Constitué d’anciens vergers voisins de la Medina de Bizerte, dont il
était séparé par un cours d’eau qui a été transformé sous le Protectorat
français dès 1889 en un canal, Zarzouna a vu son destin basculer lorsque les
bombardements de des Alliés ont rasé près de soixante dix pourcent de la ville
de Bizerte pour en déloger les troupes allemandes en mai 1943.
Dès la fin de la Deuxième Guerre
Mondiale, les autorités françaises avaient concentré l’effort de la
reconstruction sur la création d’une nouvelle cité ouvrière sur l’autre rive du
canal, à Zarzouna.
La direction de la mission fut confiée à l’architecte Bernard
Zehrfuss qui, en 1939, avait reçu le prestigieux Premier Grand Prix de Rome, concours visant à récompenser les meilleurs œuvres architecturales de l'année en cours, organisé
par l’Institut de France qui a remplacé l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture qui a crée ce prix en 1663.
A ses côtés, ont travaillé Jean le Couteur, Jacques Marmey et Jason Kyriacopoulos, grands architectes de la reconstruction dont les œuvres malheureusement souvent méconnus par le public, meublent les rues de Tunis, Sfax, Bizerte, Sousse et Nabeul...
A ses côtés, ont travaillé Jean le Couteur, Jacques Marmey et Jason Kyriacopoulos, grands architectes de la reconstruction dont les œuvres malheureusement souvent méconnus par le public, meublent les rues de Tunis, Sfax, Bizerte, Sousse et Nabeul...
Cette équipe traça une ville nouvelle d’une
manière dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle était fort ambitieuse.
Des parcelles de près d’un millier de mètres carrés de surface pour des
logements individuels, un marché entouré de grands espaces libres et des
équipements publics dont seules une école et une installation sportive ont été
réalisées. Les croquis de l’église, de l’hôpital, du lycée et des immeubles
d’habitations projetés témoignent du statut auquel on préparait Zarzouna, qui
devait à terme voler la vedette à Bizerte, déjà prise en otage par la la
difficulté du franchissement du canal.
Deux questions nous importent aujourd’hui à nous
autres tunisiens : Qu’avons-nous fait et que prévoyons-nous de faire de cette
cité ? Ou plutôt des habitants de cette cité ? C’est en effet d’eux que nous
nous soucions en évoquant l’urbanisme. Si Zarzouna traine aujourd’hui cette
réputation de quartier difficile, c’est essentiellement dû à l’acte politique
que fut notre urbanisme.
C’est par retenue que je parlerai ici de mauvais
choix, pour ne pas parler de crimes. Sinon comment nommerait-on l’implantation
dans les années soixante au cœur de cette cité d’une raffinerie de pétrole dont
la vetustité est dénoncée par tout expert dont l’avis est sollicité ?
Comment nommerait-on l’encerclement de cette
bombe à retardement qu’est la raffinerie d’une ceinture de lotissement
d’habitations dense par les agences foncière de l’Etat ?
Comment nommerait-on la conception de quartiers
d’habitation où les gens s’entassent dans des maisons d’à peine huit mètres de
façade et donnant sur des ruelles de six mètres de largeurs ?
Comment nommerait-on l’exposition de près de
quarante milles personnes à une mort immédiate en cas de déflagration et à une
mort lente dûe aux émanations quotidiennes et toxiques des
produits chimiques?
Comment nommerait-on la privation de cette
population de toute installation culturelle ?
Oui ! Pendant trente années de « construction de
l’Etat de l’indépendance », pendant vingt trois années du « changement béni »,
pendant trois années de la « révolution de la dignité », aucune salle de
cinéma, aucune salle de théâtre, aucune maison de la culture, aucune maison de
la jeunesse n’a vu le jour à Zarzouna ! Qu’attendez-vous des habitants de cette
cité ? Et qu’attendent-ils des décideurs ?
Zarzouna
est ce rêve inachevé d’un architecte qui dessinait et traçait un lieu de vie pour des êtres humains. Zarzouna est
aussi ce cauchemar causé par la nonchalance de nos gouvernants. Le bilan est
certes accablant mais les opportunités de taille se présentent aujourd’hui à
nous pour redessiner, ré imaginer et surtout HUMANISER les espaces urbains de
Zarzouna.
En effet, deux anciens nouveaux projets pourraient changer radicalement le cadre
de vie dans cette cité.
Le premier est le démantèlement de cette
raffinerie qui devrait être délocalisée vers la Skhira. Une réserve
foncière de quelques dizaines d’hectares se libérerait au profit de la ville
qui pourrait les utiliser pour décongestionner les quartiers les plus denses et
pour implanter des équipements publics utiles pour l’épanouissement de l’être
humain.
Le second est le nouveau moyen de franchissement
du canal. En effet, la future liaison avec l’autoroute A4 contournera Zarzouna
et permettra à l’ancienne voie, qui relie cette autoroute au pont mobile, d’avoir
un caractère plus urbain donc moins agressif et rendra le front maritime (le
port et la plage d’Errimel) plus accessible aux piétons.
Nous
ne pouvons dissocier politique et urbanisme. L’interaction est permanente. Nos
villes témoignent des choix qu’ont fait ceux qui nous ont gouverné jusqu’à
présent. Le soulèvement qu’a connu notre pays, surtout dans les quartiers que
nous appelons « populaires » il y a trois ans résulte entre autres de l’échec
de nos politiques d’urbanisme.
Vue du plan
d'aménagement de Zarzouna 1943 - 1947
Un bon article
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