mercredi 26 mars 2014

Pour un moratoire sur les démolitions à Bijouville.





Quartier bourgeois édifié dans les années trente du siècle passé, le quartier de Bijouville est  aussi appelé Beb Mateur vu qu’il est l’aboutissement Sud Ouest de l’avenue Habib Bourguiba de Bizerte menant vers Mateur.

Une Campagne d’identification menée en novembre 2012 par des étudiants de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis et  de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille, dans le cadre d’une coopération décentralisée entre la ville de Bizerte et la Communauté Urbaine de Dunkerque, a permis de mettre l’accent sur une haute valeur patrimoniale à travers la signalisation de plus d’une cinquantaine d’édifices remarquables pour leurs architectures, et d’organisations urbaine et paysagère fort remarquables. 

En effet, ce quartier constitue un ensemble urbain, architectural et paysager riche et constitue l’un des éléments principaux de la valeur patrimoniale, culturelle et historique de la ville de Bizerte.

Néanmoins, deux facteurs mettent en péril ce potentiel :

-         La pénurie des terrains constructibles au centre ville de Bizerte (dû à plusieurs facteurs sur lesquels on s’étalera prochainement) pousse les promoteurs immobiliers à investir ce quartier dont la dynamique économique est fort séductrice. De plus, la zone d’extension de la ville de Bizerte (GP 11) est dépourvue des infrastructures nécessaires pour attirer ces promoteurs et ainsi créer de nouveaux pôles dans la ville.  Ces zones d’extension sont aussi malheureusement infestées par des constructions anarchiques qui rendront difficile toute organisation rationnelle future.
-         Le règlement d’urbanisme en vigueur, caractérisé par le Plan d’Aménagement Urbain (PAU) de la ville de Bizerte approuvé le 31 juillet 2009, n’offre aucune protection à ce site et autorise même la démolition pure et simple de ces édifices.  Pire, ce règlement autorise les promoteurs à remplacer ces bâtiments dont les gabarits ne dépassement pas les huit mètres d’hauteur (Rez-de-chaussée et un étage) par des immeubles de vingt cinq mètre de hauteur (Rez-de-chaussée et six étages) à certains endroits.

Une action urgente de la part du Ministère de la Culture est nécessaire. Un moratoire sur les démolitions dans ce quartier en attendant d’entamer une procédure de classement et une révision du PAU régissant la construction de la ville.

Il est tout à fait naturel à une ville de s’étendre et de se développer, et les visées sur ce quartier sont compréhensibles vu la rentabilité qu’il assure. Et il ne s’agit pas ici de s’opposer à ce développement mais à son encadrement et à la protection du potentiel patrimonial du site pour qu’il puisse continuer à attirer les investisseurs et à rentabiliser.
Dénaturer le site et le travestir tueront son authenticité, seule garante de son potentiel.

Ce qui est demandé à nos prometteurs n’est pas de construire beaucoup pour rentabiliser leurs investissements, mais plutôt  de mieux construire, d’assurer la valeur ajoutée à travers la qualité. Il s’agit de mieux construire pour gagner plus. D’autres villes dans le monde sont confrontées au même dilemme. Des quartiers de Beyrouth datant du XIXème siècle, et qui ont survécu à la guerre civile libanaise, attirent grâce à leur authenticité et à leur richesse patrimoniale des investisseurs du monde entier. Mais hélas, qui cherchent à rentabiliser avec avidité leurs investissements. On cède à la dictature des chiffres et du capital. On modifie les lois d’urbanisme pour satisfaire les promoteurs. On fait fi de l’héritage qui, rappelons le, est à l’origine de l’attraction de ces investissements ! On autorise la démolition de ces constructions témoins de la richesse historique des lieux. Des immeubles parfois d’une quinzaine d’étages prennent alors place dans des parcelles jadis dédiées à des villas. Le résultat est un rapport ciel/terre déséquilibré, des sensations d’écrasements imposées aux riverains et des expressions architecturales en totale rupture avec les lieux. La rentabilité immédiate et importante y est certes, mais qu’en est-il de sa pérennité ? Ces jungles de verres et de béton, anonymes et froides sauront elles attirer à leur tour des investisseurs dans le futur ? N’est ce pas aussi cela le développement durable ?!

Des parties de ce site nous sont parvenues intactes malgré les terribles bombardements alliés de la deuxième guerre mondiale, Survivront-elles à l’avidité de ceux dont la seule priorité est l’enrichissement personnel et immédiate? 










jeudi 13 mars 2014

Affaire Marina Bizerte : Une défaite bizertine



Il ne s’agit guère ici de revenir à la charge pour argumenter une évidence, mais plutôt de faire un état des lieux sur une bataille qu’il ne fallait pas perdre et où la société civile (ou au moins une partie d’elle) a lamentablement échoué.

On aura tout vu dans cette affaire. On aura vu une construction qui continue à s’élever vingt mois après l’expiration de son permis de bâtir. On au ra vu une Mairie incapable de rédiger un arrêté d’arrêt des travaux sans être désavouée le lendemain par le tribunal administratif.. pour vice de forme s’il vous plait ! On aura même vu l’administration de cette Mairie interdite par la Délégation Spécifique de prendre part à la rédaction de ce fameux arrêté ! On aura vu une Mairie qui n’a pas les moyens de réfectionner ses semblants de trottoirs se permettre de ne pas aller arracher ses cinq millions de dinars (l’équivalent de la moitié de son budget annuel) que lui doit le promoteur en guise d’occupation temporaire de la voie publique. On aura vu le déclassement et la cession d’un domaine public maritime « légalisés » et banalisés. On aura vu une directrice des ports de toute la République reconnaître à la télé que la digue érigée est non-conforme aux autorisations attribuées sans que pour autant on voit aucune disposition prise par le Ministère de l’Equipement. On aura vu trois ministres de la culture se succéder (de mars 2011 à janvier 2014) dans un silence de morts quant à l’élévation d’une masse en béton de 35 mètres de hauteur en face des remparts ottomans de la Médina. On aura même vu des personnes sensées être « Saintes » d’esprits (au point qu’on leur a attribué le poste de Gouverneur ou de responsable au sein de l’Institut National du Patrimoine) nier toute atteinte de cette construction à l’authenticité du site. On aura vu une affaire de trafic de pièces archéologiques trouvées sur le site lors des travaux maritimes s’égarer dans les couloirs des tribunaux de la ville. On aura vu une association (là où je milite et où j’assume une responsabilité) incapable d’honorer un mandat qui lui a été attribué par 70 pêcheurs de la Ksiba pour défendre leurs droits bafoués par le promoteur et par l’Etat. On aura vu une expertise qui met plus de trois années à être menée sans réaction de la part du tribunal qui l’a ordonné. On aura vu des membres du gouvernement de la Troika (se réclamant être celui de la révolution) défendre corps et âmes un projet caricatural de l’ère Ben Ali. On aura vu des partis dits « de gauche » snober une cause où le social, l’écologique et le culturel s’entrecroisent, et se demander après pourquoi Bizerte leur tourne le dos. Et on aura vu, comme un violeur qui se plaint de la frigidité de sa victime qu’il vient de souiller, les « promoteurs » se plaindre de la qualité de l’eau du vieux port qu’ils ont eux même tué !

Excusez nous, respectables investisseurs, mais le vieux port de Bizerte et les monuments qui meublent ses quais étaient trop occupés pendant les trois derniers millénaires à témoigner de l'histoire de la Tunisie, et n’ont pas eu le temps de se purifier pour se présenter en offrandes aux mafieux que vous êtes ! 


Il était clair depuis tout le début que nous avions affaire à un adversaire qui, malgré ses relations fort privilégiées avec « l’ancien régime », a eu l’habilité de nouer des alliances avec les gouvernants de l’après 23 octobre 2011, avec les complicités de certaines administrations qui ont trouvé dans leur fuite en avant le meilleur moyen de cacher leurs complicités du passé.
Ceci n’empêche que cette défaite a été la nôtre ! Notre œuvre !

Cette affaire a été le baptême de feu pour des associations qui découvraient la liberté d’agir et de s’organiser le lendemain d’un certain 14 janvier 2011. Un mea culpa s’impose !
Pourquoi cette incapacité à rallier toutes les composantes de la société civile bizertine ? Pourquoi cette incapacité congénitale à s’écouter mutuellement ? A-t-on eu le droit de refuser toute action sur le terrain ? La politique du tout ou rien que nous trainons depuis plus de cinquante ans est-elle à maintenir ? Quant aux si nombreux commentateurs, leur investissement dans la cause n’aurait il pas été plus utile et productif ?

A l’heure où la société civile est appelée à co-gouverner, à co-batir cette citoyenneté tant attendue, à l’heure où Bizerte s’apprête à livrer tant de batailles, allant de la gestion de ses forets, à la protection de son littoral, à la dépollution de ses airs et de son lac, à la requalification de ses quartiers, à la réconciliation avec ses espaces portuaires… A l’heure où nos amis dans la société civile sfaxienne et djérbienne ont connu de belles réussites en matière de promotion de leur patrimoine bâti, avec quelle force, quelle stratégie, quel lobbying la société civile bizertine abordera t elle cette phase d’établissement des équilibres ?