jeudi 13 mars 2014

Affaire Marina Bizerte : Une défaite bizertine



Il ne s’agit guère ici de revenir à la charge pour argumenter une évidence, mais plutôt de faire un état des lieux sur une bataille qu’il ne fallait pas perdre et où la société civile (ou au moins une partie d’elle) a lamentablement échoué.

On aura tout vu dans cette affaire. On aura vu une construction qui continue à s’élever vingt mois après l’expiration de son permis de bâtir. On au ra vu une Mairie incapable de rédiger un arrêté d’arrêt des travaux sans être désavouée le lendemain par le tribunal administratif.. pour vice de forme s’il vous plait ! On aura même vu l’administration de cette Mairie interdite par la Délégation Spécifique de prendre part à la rédaction de ce fameux arrêté ! On aura vu une Mairie qui n’a pas les moyens de réfectionner ses semblants de trottoirs se permettre de ne pas aller arracher ses cinq millions de dinars (l’équivalent de la moitié de son budget annuel) que lui doit le promoteur en guise d’occupation temporaire de la voie publique. On aura vu le déclassement et la cession d’un domaine public maritime « légalisés » et banalisés. On aura vu une directrice des ports de toute la République reconnaître à la télé que la digue érigée est non-conforme aux autorisations attribuées sans que pour autant on voit aucune disposition prise par le Ministère de l’Equipement. On aura vu trois ministres de la culture se succéder (de mars 2011 à janvier 2014) dans un silence de morts quant à l’élévation d’une masse en béton de 35 mètres de hauteur en face des remparts ottomans de la Médina. On aura même vu des personnes sensées être « Saintes » d’esprits (au point qu’on leur a attribué le poste de Gouverneur ou de responsable au sein de l’Institut National du Patrimoine) nier toute atteinte de cette construction à l’authenticité du site. On aura vu une affaire de trafic de pièces archéologiques trouvées sur le site lors des travaux maritimes s’égarer dans les couloirs des tribunaux de la ville. On aura vu une association (là où je milite et où j’assume une responsabilité) incapable d’honorer un mandat qui lui a été attribué par 70 pêcheurs de la Ksiba pour défendre leurs droits bafoués par le promoteur et par l’Etat. On aura vu une expertise qui met plus de trois années à être menée sans réaction de la part du tribunal qui l’a ordonné. On aura vu des membres du gouvernement de la Troika (se réclamant être celui de la révolution) défendre corps et âmes un projet caricatural de l’ère Ben Ali. On aura vu des partis dits « de gauche » snober une cause où le social, l’écologique et le culturel s’entrecroisent, et se demander après pourquoi Bizerte leur tourne le dos. Et on aura vu, comme un violeur qui se plaint de la frigidité de sa victime qu’il vient de souiller, les « promoteurs » se plaindre de la qualité de l’eau du vieux port qu’ils ont eux même tué !

Excusez nous, respectables investisseurs, mais le vieux port de Bizerte et les monuments qui meublent ses quais étaient trop occupés pendant les trois derniers millénaires à témoigner de l'histoire de la Tunisie, et n’ont pas eu le temps de se purifier pour se présenter en offrandes aux mafieux que vous êtes ! 


Il était clair depuis tout le début que nous avions affaire à un adversaire qui, malgré ses relations fort privilégiées avec « l’ancien régime », a eu l’habilité de nouer des alliances avec les gouvernants de l’après 23 octobre 2011, avec les complicités de certaines administrations qui ont trouvé dans leur fuite en avant le meilleur moyen de cacher leurs complicités du passé.
Ceci n’empêche que cette défaite a été la nôtre ! Notre œuvre !

Cette affaire a été le baptême de feu pour des associations qui découvraient la liberté d’agir et de s’organiser le lendemain d’un certain 14 janvier 2011. Un mea culpa s’impose !
Pourquoi cette incapacité à rallier toutes les composantes de la société civile bizertine ? Pourquoi cette incapacité congénitale à s’écouter mutuellement ? A-t-on eu le droit de refuser toute action sur le terrain ? La politique du tout ou rien que nous trainons depuis plus de cinquante ans est-elle à maintenir ? Quant aux si nombreux commentateurs, leur investissement dans la cause n’aurait il pas été plus utile et productif ?

A l’heure où la société civile est appelée à co-gouverner, à co-batir cette citoyenneté tant attendue, à l’heure où Bizerte s’apprête à livrer tant de batailles, allant de la gestion de ses forets, à la protection de son littoral, à la dépollution de ses airs et de son lac, à la requalification de ses quartiers, à la réconciliation avec ses espaces portuaires… A l’heure où nos amis dans la société civile sfaxienne et djérbienne ont connu de belles réussites en matière de promotion de leur patrimoine bâti, avec quelle force, quelle stratégie, quel lobbying la société civile bizertine abordera t elle cette phase d’établissement des équilibres ?


2 commentaires:

  1. Aucune réaction à ce cri de cœur d’un pur bizertin. Pourtant, ce sujet si brûlant et touche-à-tout (pêche, vieux port, tourisme, culture, social…) n’a pas eu les soutiens de la société civile et notamment l’Ugtt si prompte à monter au créneau quand il s’agit d’abattre le gouvernement de la troïka.
    Moi, j’ai condamné ce projet en gros et en détail. Car il me prive d’une plage où j’ai passé les meilleurs moments de ma jeunesse et prive toute la ville de son exutoire naturel (Je me rappelle les veillées extraordinaires de nos familles le long de la plage les soirs d’été).
    Pourquoi le promoteur d'origine sahélienne ne fait-il pas une marina au Bouja3far, ou dans sa ville Mahdia. Il ne le fera pas parce que les sahéliens savent défendre leur environnement, pas les bizertins qui ont été infiltrés de faux citadins depuis le départ des français en 1963.
    De quel droit l’Etat accorde-t-il à ce promoteur le droit de jouir de cet espace commun ??? Où est-il ce Tribunal administratif dominé encore par les sbires de Zaba ??? … Que de questions sans réponses.
    Vous dites qu’on a fait une Révolution ? Nenni !!! Rien n’a changé !!!
    Les anciens lobbies continueront à manigancer et à nous narguer. Bizerte ne se relèvera pas de leur emprise destructrice. En attendant Godot ou une véritable révolution.

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  2. Amine je suis parfaitement d'accord avec toi. Pour moi, c'est une affaire de faiblesse de la société civile.

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