Depuis plus de quatre ans, le projet de la zone touristique
de Sidi Salem est bloqué à cause de la volonté de l’Agence Foncière Touristique
(AFT) d’apporter des modifications au Plan d’Aménagement de Détail (PAD) de la
zone, document juridique opposable aux tiers réglementant l’exploitation de la
zone.
S’agissant d’un milieu fragile, l’étude d’impacte réalisée
sur ces marais et le Ministère de l’Environnement avaient insisté sur la
nécessité de maximiser les espaces verts et de limiter les constructions afin
de ne pas troubler les équilibres naturels établis.
Cette approche avait permit de préconiser une conception
avantageuse pour la Commune
de Bizerte et ses habitants et allait faire bénéficier ces derniers d’un espace
vert équipé et public de 3 ha
de surface et longeant la côte sur près de 250 mètres . Ces espaces
pouvaient accueillir des parcs d’attractions, des aquaparcs, des jardins
botaniques.. Et sont surtout foncièrement propriété de la Commune de Bizerte.
Néanmoins, cette approche qui privilégie l’humain, la nature
et le statut de la Commune ,
en temps de despotisme nous dirait on, ne semble pas être au gout du capital,
des responsables de l’Agence Foncière Touristique et des actuels ténors de la Commune de Bizerte.
Effectivement, suite à la demande des investisseurs qui
n’étaient pas satisfaits des 5
ha alloués à la construction de deux hôtels, l’AFT a
présenté une nouvelle version de l’aménagement de cette zone à la Commune permettant à ces
investisseurs de faire main basse (et c’est le mot !) sur les 3 ha de zones vertes
publiques.
Et contrairement à l’avis émis en date du 14 mars 2012 par
la délégation spéciale qui a mené la
Commune de Bizerte entre le 03 mai 2011 et le 24 juillet 2012
(chose faite après maintes consultations des différents intervenants),
l’actuelle équipe municipale s’est exprimée en faveur de cette révision en
l’approuvant au conseil municipal. Ceci constitue une violation criarde de
l’article 20 du Code de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme qui
restreint le changement des espaces verts au niveau des plans d’aménagements
aux décrets émanant du ministre chargé de l’environnement et de l’aménagement
du territoire.
« (…)Un espace vert ayant acquis cette vocation par l'effet d'un
plan d'aménagement, ne peut la perdre que par décret pris sur
proposition du Ministre chargé de l'Urbanisme, après avis du
Ministre chargé de l'Environnement et de l'aménagement du
territoire. »
Article 20 du Code de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme
Ceci constitue une incapacité institutionnalisée de voir les
composantes d'un espace urbain dans sa globalité. En se soumettant ainsi à
l’avidité d’investisseurs qui ne seront jamais rassasiés, nous privons nos
villes de ce qui pourrait faire d’elles des milieux propices à l’épanouissement
et à la création. Si le but est de stimuler la croissance (puisque nous sommes
condamnés à parler ce langage), ce n’est pas en faisant de nos espaces de
loisirs des ghettos que nous y arriverons.
L’impact écologique sera quant à lui catastrophique et les
quartiers environnants risquent d’en être affectés. La conception initiale
visait à maintenir ces équilibres fragiles du marais qu’est le site. Confronté
à un bétonnage excessif, ce milieu humide gorgé d’eau devra bien évacuer ces
eaux quelques part. La nature se doit de réagir lorsque on la bouscule. Dans
quel quartier, quelle rue, quel établissement verra t on ces eaux
jaillir ?!
Il ne s’agit guère ici d’exprimer des orientations
idéologiques écologistes, mais dans le monde où nous vivons, où l’être humain
et l’équilibre naturel jusque là maintenu, sont les derniers soucis des
décideurs, il ne serait pas de trop d’appeler la société civile de jouer son
rôle et d’arraisonner une équipe municipale qui, non seulement d’être
insensible à tout ce qui a été avancé précédemment, se permet même de faire fi
des procédures.
J’étais personnellement convaincu que l’aspect mercantile du
projet de la marina et ses impacts écologiques, paysagers et sociaux étaient
une caricature du despotisme de l’ancien régime (si nous osons prétendre qu’il
a changé). Aujourd’hui, et en voyant ces crimes se reproduire, je me dis que
oui ! On peut aller plus loin en matière de médiocrité !