jeudi 10 avril 2014

Sidi Ahmed Al-Tijani, un monument soufi sauvé en temps de razzia salafiste.




C’est en 1903 que Hamda Cheikh légua une parcelle de terrain à proximité du vieux port de Bizerte et donnant sur la rue Kous Bou Amoud pour y édifier la mosquée Sidi Ahmed Tijani.

Pendants des décennies, les lieux ont été animés par une méthode soufie du nom de At Tijâniyyah (en référence au Cheikh Ahmed Al-Tijani, théologien asharite et éminent juriste malikite enterré à Fès). Des visiteurs du mausolée marocain ont relevé la similitude des méthodes bizertine et fassie.

Située à une vingtaine de mètres du Conseil Juridique, cette mosquée a été adoptée par les juges de la ville comme lieux de prière. Deux d’entre eux y sont enterrés, il s’agit d’Al Bechir et Mohammed Ben Hassine.

Une première intervention de restauration avait été entreprise en 1943 pour remédier aux dégâts occasionnés par les bombardements américains de la Deuxième Guerre Mondiale.

Fin 2010, l’Association de Sauvegarde de la Medina a entamé un chantier de restauration visant à honorer ses engagements vis-à-vis de la sauvegarde de la mémoire collective locale, et à défendre les valeurs d’une ville dont la tolérance et l’harmonie dans la diversité ont écrit son histoire le long des siècles passés.

Les travaux ont mis plus de trois ans et demi à s’achever. Le contexte politique tendu qu’a connu le pays et surtout les actes de vandalisme qu’ont connu les sites soufis ont imposé une discrétion absolue et un nombre très réduit d’ouvriers sur le chantier.

Crédits photos :
Bechir Chakroun, photographe
Relevé :
Mahmoud Ben Legha, architecte d’intérieur
Historique rapporté selon le récit d’Ahmed Kefi, membre fondateur de l’Association de Sauvegarde de la Medina de Bizerte
Projet piloté par :
Mohamed Salah Fliss, architecte ITAUT

Mohamed Amine Ben Saïd, architecte ENAU












samedi 5 avril 2014

What’s next for Zarzouna?



Constitué d’anciens vergers voisins de la Medina de Bizerte, dont il était séparé par un cours d’eau qui a été transformé sous le Protectorat français dès 1889 en un canal, Zarzouna a vu son destin basculer lorsque les bombardements de des Alliés ont rasé près de soixante dix pourcent de la ville de Bizerte pour en déloger les troupes allemandes en mai 1943.

Dès la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, les autorités françaises avaient concentré l’effort de la reconstruction sur la création d’une nouvelle cité ouvrière sur l’autre rive du canal, à Zarzouna.

La direction de la mission fut confiée à l’architecte Bernard Zehrfuss qui, en 1939, avait reçu le prestigieux Premier Grand Prix de Rome, concours visant à récompenser les meilleurs œuvres architecturales de l'année en cours, organisé par l’Institut de France qui a remplacé l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture qui a crée ce prix en 1663.
A ses côtés, ont travaillé Jean le Couteur, Jacques Marmey et Jason Kyriacopoulos, grands architectes de la reconstruction dont les œuvres malheureusement souvent méconnus par le public, meublent les rues de Tunis, Sfax, Bizerte, Sousse et Nabeul... 

Cette équipe traça une ville nouvelle d’une manière dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle était fort ambitieuse. Des parcelles de près d’un millier de mètres carrés de surface pour des logements individuels, un marché entouré de grands espaces libres et des équipements publics dont seules une école et une installation sportive ont été réalisées. Les croquis de l’église, de l’hôpital, du lycée et des immeubles d’habitations projetés témoignent du statut auquel on préparait Zarzouna, qui devait à terme voler la vedette à Bizerte, déjà prise en otage par la la difficulté du franchissement du canal.

Deux questions nous importent aujourd’hui à nous autres tunisiens : Qu’avons-nous fait et que prévoyons-nous de faire de cette cité ? Ou plutôt des habitants de cette cité ? C’est en effet d’eux que nous nous soucions en évoquant l’urbanisme. Si Zarzouna traine aujourd’hui cette réputation de quartier difficile, c’est essentiellement dû à l’acte politique que fut notre urbanisme.

C’est par retenue que je parlerai ici de mauvais choix, pour ne pas parler de crimes. Sinon comment nommerait-on l’implantation dans les années soixante au cœur de cette cité d’une raffinerie de pétrole dont la vetustité est dénoncée par tout expert dont l’avis est sollicité ?

Comment nommerait-on l’encerclement de cette bombe à retardement qu’est la raffinerie d’une ceinture de lotissement d’habitations dense par les agences foncière de l’Etat ?

Comment nommerait-on la conception de quartiers d’habitation où les gens s’entassent dans des maisons d’à peine huit mètres de façade et donnant sur des ruelles de six mètres de largeurs ?

Comment nommerait-on l’exposition de près de quarante milles personnes à une mort immédiate en cas de déflagration et à une mort lente dûe aux émanations quotidiennes et toxiques des produits chimiques?


Comment nommerait-on la privation de cette population de toute installation culturelle ?

Oui ! Pendant trente années de « construction de l’Etat de l’indépendance », pendant vingt trois années du « changement béni », pendant trois années de la « révolution de la dignité », aucune salle de cinéma, aucune salle de théâtre, aucune maison de la culture, aucune maison de la jeunesse n’a vu le jour à Zarzouna ! Qu’attendez-vous des habitants de cette cité ? Et qu’attendent-ils des décideurs ?

 Zarzouna est ce rêve inachevé d’un architecte qui dessinait et traçait un lieu de vie pour des êtres humains. Zarzouna est aussi ce cauchemar causé par la nonchalance de nos gouvernants. Le bilan est certes accablant mais les opportunités de taille se présentent aujourd’hui à nous pour redessiner, ré imaginer et surtout HUMANISER les espaces urbains de Zarzouna.

En effet, deux anciens nouveaux projets pourraient changer radicalement le cadre de vie dans cette cité.

Le premier est le démantèlement de cette raffinerie qui devrait être délocalisée vers la Skhira. Une réserve foncière de quelques dizaines d’hectares se libérerait au profit de la ville qui pourrait les utiliser pour décongestionner les quartiers les plus denses et pour implanter des équipements publics utiles pour l’épanouissement de l’être humain.

Le second est le nouveau moyen de franchissement du canal. En effet, la future liaison avec l’autoroute A4 contournera Zarzouna et permettra à l’ancienne voie, qui relie cette autoroute au pont mobile, d’avoir un caractère plus urbain donc moins agressif et rendra le front maritime (le port et la plage d’Errimel) plus accessible aux piétons. 

Nous ne pouvons dissocier politique et urbanisme. L’interaction est permanente. Nos villes témoignent des choix qu’ont fait ceux qui nous ont gouverné jusqu’à présent. Le soulèvement qu’a connu notre pays, surtout dans les quartiers que nous appelons « populaires » il y a trois ans résulte entre autres de l’échec de nos politiques d’urbanisme.



Vue du plan d'aménagement de Zarzouna 1943 - 1947 



mercredi 26 mars 2014

Pour un moratoire sur les démolitions à Bijouville.





Quartier bourgeois édifié dans les années trente du siècle passé, le quartier de Bijouville est  aussi appelé Beb Mateur vu qu’il est l’aboutissement Sud Ouest de l’avenue Habib Bourguiba de Bizerte menant vers Mateur.

Une Campagne d’identification menée en novembre 2012 par des étudiants de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis et  de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille, dans le cadre d’une coopération décentralisée entre la ville de Bizerte et la Communauté Urbaine de Dunkerque, a permis de mettre l’accent sur une haute valeur patrimoniale à travers la signalisation de plus d’une cinquantaine d’édifices remarquables pour leurs architectures, et d’organisations urbaine et paysagère fort remarquables. 

En effet, ce quartier constitue un ensemble urbain, architectural et paysager riche et constitue l’un des éléments principaux de la valeur patrimoniale, culturelle et historique de la ville de Bizerte.

Néanmoins, deux facteurs mettent en péril ce potentiel :

-         La pénurie des terrains constructibles au centre ville de Bizerte (dû à plusieurs facteurs sur lesquels on s’étalera prochainement) pousse les promoteurs immobiliers à investir ce quartier dont la dynamique économique est fort séductrice. De plus, la zone d’extension de la ville de Bizerte (GP 11) est dépourvue des infrastructures nécessaires pour attirer ces promoteurs et ainsi créer de nouveaux pôles dans la ville.  Ces zones d’extension sont aussi malheureusement infestées par des constructions anarchiques qui rendront difficile toute organisation rationnelle future.
-         Le règlement d’urbanisme en vigueur, caractérisé par le Plan d’Aménagement Urbain (PAU) de la ville de Bizerte approuvé le 31 juillet 2009, n’offre aucune protection à ce site et autorise même la démolition pure et simple de ces édifices.  Pire, ce règlement autorise les promoteurs à remplacer ces bâtiments dont les gabarits ne dépassement pas les huit mètres d’hauteur (Rez-de-chaussée et un étage) par des immeubles de vingt cinq mètre de hauteur (Rez-de-chaussée et six étages) à certains endroits.

Une action urgente de la part du Ministère de la Culture est nécessaire. Un moratoire sur les démolitions dans ce quartier en attendant d’entamer une procédure de classement et une révision du PAU régissant la construction de la ville.

Il est tout à fait naturel à une ville de s’étendre et de se développer, et les visées sur ce quartier sont compréhensibles vu la rentabilité qu’il assure. Et il ne s’agit pas ici de s’opposer à ce développement mais à son encadrement et à la protection du potentiel patrimonial du site pour qu’il puisse continuer à attirer les investisseurs et à rentabiliser.
Dénaturer le site et le travestir tueront son authenticité, seule garante de son potentiel.

Ce qui est demandé à nos prometteurs n’est pas de construire beaucoup pour rentabiliser leurs investissements, mais plutôt  de mieux construire, d’assurer la valeur ajoutée à travers la qualité. Il s’agit de mieux construire pour gagner plus. D’autres villes dans le monde sont confrontées au même dilemme. Des quartiers de Beyrouth datant du XIXème siècle, et qui ont survécu à la guerre civile libanaise, attirent grâce à leur authenticité et à leur richesse patrimoniale des investisseurs du monde entier. Mais hélas, qui cherchent à rentabiliser avec avidité leurs investissements. On cède à la dictature des chiffres et du capital. On modifie les lois d’urbanisme pour satisfaire les promoteurs. On fait fi de l’héritage qui, rappelons le, est à l’origine de l’attraction de ces investissements ! On autorise la démolition de ces constructions témoins de la richesse historique des lieux. Des immeubles parfois d’une quinzaine d’étages prennent alors place dans des parcelles jadis dédiées à des villas. Le résultat est un rapport ciel/terre déséquilibré, des sensations d’écrasements imposées aux riverains et des expressions architecturales en totale rupture avec les lieux. La rentabilité immédiate et importante y est certes, mais qu’en est-il de sa pérennité ? Ces jungles de verres et de béton, anonymes et froides sauront elles attirer à leur tour des investisseurs dans le futur ? N’est ce pas aussi cela le développement durable ?!

Des parties de ce site nous sont parvenues intactes malgré les terribles bombardements alliés de la deuxième guerre mondiale, Survivront-elles à l’avidité de ceux dont la seule priorité est l’enrichissement personnel et immédiate? 










jeudi 13 mars 2014

Affaire Marina Bizerte : Une défaite bizertine



Il ne s’agit guère ici de revenir à la charge pour argumenter une évidence, mais plutôt de faire un état des lieux sur une bataille qu’il ne fallait pas perdre et où la société civile (ou au moins une partie d’elle) a lamentablement échoué.

On aura tout vu dans cette affaire. On aura vu une construction qui continue à s’élever vingt mois après l’expiration de son permis de bâtir. On au ra vu une Mairie incapable de rédiger un arrêté d’arrêt des travaux sans être désavouée le lendemain par le tribunal administratif.. pour vice de forme s’il vous plait ! On aura même vu l’administration de cette Mairie interdite par la Délégation Spécifique de prendre part à la rédaction de ce fameux arrêté ! On aura vu une Mairie qui n’a pas les moyens de réfectionner ses semblants de trottoirs se permettre de ne pas aller arracher ses cinq millions de dinars (l’équivalent de la moitié de son budget annuel) que lui doit le promoteur en guise d’occupation temporaire de la voie publique. On aura vu le déclassement et la cession d’un domaine public maritime « légalisés » et banalisés. On aura vu une directrice des ports de toute la République reconnaître à la télé que la digue érigée est non-conforme aux autorisations attribuées sans que pour autant on voit aucune disposition prise par le Ministère de l’Equipement. On aura vu trois ministres de la culture se succéder (de mars 2011 à janvier 2014) dans un silence de morts quant à l’élévation d’une masse en béton de 35 mètres de hauteur en face des remparts ottomans de la Médina. On aura même vu des personnes sensées être « Saintes » d’esprits (au point qu’on leur a attribué le poste de Gouverneur ou de responsable au sein de l’Institut National du Patrimoine) nier toute atteinte de cette construction à l’authenticité du site. On aura vu une affaire de trafic de pièces archéologiques trouvées sur le site lors des travaux maritimes s’égarer dans les couloirs des tribunaux de la ville. On aura vu une association (là où je milite et où j’assume une responsabilité) incapable d’honorer un mandat qui lui a été attribué par 70 pêcheurs de la Ksiba pour défendre leurs droits bafoués par le promoteur et par l’Etat. On aura vu une expertise qui met plus de trois années à être menée sans réaction de la part du tribunal qui l’a ordonné. On aura vu des membres du gouvernement de la Troika (se réclamant être celui de la révolution) défendre corps et âmes un projet caricatural de l’ère Ben Ali. On aura vu des partis dits « de gauche » snober une cause où le social, l’écologique et le culturel s’entrecroisent, et se demander après pourquoi Bizerte leur tourne le dos. Et on aura vu, comme un violeur qui se plaint de la frigidité de sa victime qu’il vient de souiller, les « promoteurs » se plaindre de la qualité de l’eau du vieux port qu’ils ont eux même tué !

Excusez nous, respectables investisseurs, mais le vieux port de Bizerte et les monuments qui meublent ses quais étaient trop occupés pendant les trois derniers millénaires à témoigner de l'histoire de la Tunisie, et n’ont pas eu le temps de se purifier pour se présenter en offrandes aux mafieux que vous êtes ! 


Il était clair depuis tout le début que nous avions affaire à un adversaire qui, malgré ses relations fort privilégiées avec « l’ancien régime », a eu l’habilité de nouer des alliances avec les gouvernants de l’après 23 octobre 2011, avec les complicités de certaines administrations qui ont trouvé dans leur fuite en avant le meilleur moyen de cacher leurs complicités du passé.
Ceci n’empêche que cette défaite a été la nôtre ! Notre œuvre !

Cette affaire a été le baptême de feu pour des associations qui découvraient la liberté d’agir et de s’organiser le lendemain d’un certain 14 janvier 2011. Un mea culpa s’impose !
Pourquoi cette incapacité à rallier toutes les composantes de la société civile bizertine ? Pourquoi cette incapacité congénitale à s’écouter mutuellement ? A-t-on eu le droit de refuser toute action sur le terrain ? La politique du tout ou rien que nous trainons depuis plus de cinquante ans est-elle à maintenir ? Quant aux si nombreux commentateurs, leur investissement dans la cause n’aurait il pas été plus utile et productif ?

A l’heure où la société civile est appelée à co-gouverner, à co-batir cette citoyenneté tant attendue, à l’heure où Bizerte s’apprête à livrer tant de batailles, allant de la gestion de ses forets, à la protection de son littoral, à la dépollution de ses airs et de son lac, à la requalification de ses quartiers, à la réconciliation avec ses espaces portuaires… A l’heure où nos amis dans la société civile sfaxienne et djérbienne ont connu de belles réussites en matière de promotion de leur patrimoine bâti, avec quelle force, quelle stratégie, quel lobbying la société civile bizertine abordera t elle cette phase d’établissement des équilibres ?


lundi 17 février 2014

Zone Touristique Sidi Salem : main basse sur les espaces verts !

Depuis plus de quatre ans, le projet de la zone touristique de Sidi Salem est bloqué à cause de la volonté de l’Agence Foncière Touristique (AFT) d’apporter des modifications au Plan d’Aménagement de Détail (PAD) de la zone, document juridique opposable aux tiers réglementant l’exploitation de la zone.

S’agissant d’un milieu fragile, l’étude d’impacte réalisée sur ces marais et le Ministère de l’Environnement avaient insisté sur la nécessité de maximiser les espaces verts et de limiter les constructions afin de ne pas troubler les équilibres naturels établis.

Cette approche avait permit de préconiser une conception avantageuse pour la Commune de Bizerte et ses habitants et allait faire bénéficier ces derniers d’un espace vert équipé et public de 3 ha de surface et longeant la côte sur près de 250 mètres. Ces espaces pouvaient accueillir des parcs d’attractions, des aquaparcs, des jardins botaniques.. Et sont surtout foncièrement propriété de la Commune de Bizerte.

Néanmoins, cette approche qui privilégie l’humain, la nature et le statut de la Commune, en temps de despotisme nous dirait on, ne semble pas être au gout du capital, des responsables de l’Agence Foncière Touristique et des actuels ténors de la Commune de Bizerte.
Effectivement, suite à la demande des investisseurs qui n’étaient pas satisfaits des 5 ha alloués à la construction de deux hôtels, l’AFT a présenté une nouvelle version de l’aménagement de cette zone à la Commune permettant à ces investisseurs de faire main basse (et c’est le mot !) sur les 3 ha de zones vertes publiques.
Et contrairement à l’avis émis en date du 14 mars 2012 par la délégation spéciale qui a mené la Commune de Bizerte entre le 03 mai 2011 et le 24 juillet 2012 (chose faite après maintes consultations des différents intervenants), l’actuelle équipe municipale s’est exprimée en faveur de cette révision en l’approuvant au conseil municipal. Ceci constitue une violation criarde de l’article 20 du Code de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme qui restreint le changement des espaces verts au niveau des plans d’aménagements aux décrets émanant du ministre chargé de l’environnement et de l’aménagement du territoire.


« (…)Un espace vert ayant acquis cette vocation par l'effet d'un
plan d'aménagement, ne peut la perdre que par décret pris sur
proposition du Ministre chargé de l'Urbanisme, après avis du
Ministre chargé de l'Environnement et de l'aménagement du
territoire. »
Article 20 du Code de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme


Ceci constitue une incapacité institutionnalisée de voir les composantes d'un espace urbain dans sa globalité. En se soumettant ainsi à l’avidité d’investisseurs qui ne seront jamais rassasiés, nous privons nos villes de ce qui pourrait faire d’elles des milieux propices à l’épanouissement et à la création. Si le but est de stimuler la croissance (puisque nous sommes condamnés à parler ce langage), ce n’est pas en faisant de nos espaces de loisirs des ghettos que nous y arriverons.

L’impact écologique sera quant à lui catastrophique et les quartiers environnants risquent d’en être affectés. La conception initiale visait à maintenir ces équilibres fragiles du marais qu’est le site. Confronté à un bétonnage excessif, ce milieu humide gorgé d’eau devra bien évacuer ces eaux quelques part. La nature se doit de réagir lorsque on la bouscule. Dans quel quartier, quelle rue, quel établissement verra t on ces eaux jaillir ?!

Il ne s’agit guère ici d’exprimer des orientations idéologiques écologistes, mais dans le monde où nous vivons, où l’être humain et l’équilibre naturel jusque là maintenu, sont les derniers soucis des décideurs, il ne serait pas de trop d’appeler la société civile de jouer son rôle et d’arraisonner une équipe municipale qui, non seulement d’être insensible à tout ce qui a été avancé précédemment, se permet même de faire fi des procédures.   



J’étais personnellement convaincu que l’aspect mercantile du projet de la marina et ses impacts écologiques, paysagers et sociaux étaient une caricature du despotisme de l’ancien régime (si nous osons prétendre qu’il a changé). Aujourd’hui, et en voyant ces crimes se reproduire, je me dis que oui ! On peut aller plus loin en matière de médiocrité !     



mercredi 12 février 2014

Municipalité de Bizerte : L’empoisonnement comme réforme

Je crois que les 165 milles habitants du périmètre communal de Bizerte sont d’accord sur le fait que la structure actuelle de la Municipalité de Bizerte est loin de pouvoir relever les défis lancés à la ville, ni de pouvoir répondre aux aspirations de ses habitants qui portent tant d’amour à leur ville, aussi folklorique soit il. Les soixante années de despotisme n’ont pas été sans effets sur ces structures dont le rôle dans la construction d’une démocratie tant espérée sera primordial vue leur proximité du citoyen et du fait qu’elles seront l’outil qui permettra à ce dernier de participer effectivement à la gouvernance.

Le cas de la Municipalité de Bizerte est fort caractéristique. Une extension urbaine non maitrisée, des quartiers historiques en perpétuelle destruction et où les démolitions sont quasi-quotidiennes, une infrastructure routière précaire, 120 tonnes de déchets quotidiens laborieusement collectés… Pour faire face à ces innombrables difficultés, une réforme de l’institution s’imposait !

En guise de butin de sa victoire lors des élections de la Constituante du 23 octobre 2011, le parti islamiste Nahdha s’est attribué le contrôle de la Municipalité de Bizerte. Les beaux discours de réformes (qui certes s’imposaient) ont accompagné cette ascension d’une équipe « pieuse » et « croyante » (qui pour le prouver s’est interdit la présence de toute femme).


Empoisonnement par Al-Bir w Al-Ihsen


Les motivations politiques pour ne pas rater la marche étaient fort présentes. Il fallait à tout prix obtenir un succès rapide, même si ce n’est qu’un leurre, même si ça compromettra l’avenir de l’institution. 
Donc, au lieu de réformer le système de collecte des déchets, au lieu de développer le service d’entretien des chaussées, au lieu de redonner vie à l’action sociale, au lieu de responsabiliser les ouvriers pour qu’ils s’investissent plus… On fera appel à une association caritative satellitaire du parti. C’est à elle qu’on demandera de combler du déficit de collecte de déchets, c’est à elle qu’on confiera certaines taches de bâtiment, c’est à elle qu’on demandera de jouer le rôle social qu’assurait le Municipalité autrefois… et pire que ça, c’est à elle qu’on demandera de motiver certains ouvriers pour qu’ils se dépensent plus au travail… en leur attribuant des primes !
Ce n’est guère une réforme à laquelle on assiste mais plutôt à une dissolution, un démantèlement, un empoisonnement d’une institution vieille de plus de 130 ans et qui, bien qu’on ne soit jamais satisfait de son œuvre, a su se préserver et résister lors des événements de la révolution.
Qu’en adviendra t il de ces services une fois que cette association quittera la scène ? Comment reprendre la tâche ? Comment responsabiliser certains ouvriers qui ont goutté à cette bêtise ?
On avait connu Al-Bir w Al-Ihsen après le 14 janvier 2011 et durant la campagne électorale comme une association caritative à qui les gens faisaient des dons pour aider les plus démunis dans la région. Elle s’efforce aujourd’hui d’éviter l’échec d’un parti qui s’est attribué la légitimité de contrôler une ville qu’il est incapable de gérer, une entreprise qui menace l’avenir d’une institution, une institution fondée en 1884 et qui a survécu à deux guerres mondiales, une bataille de libération et à une dictature, mais qui ne survivra peut être pas à  l’arrogance de certains.


Le clientélisme, sec et béat, des pires années du despotisme, justifie t il à n’importe quel niveau qu’un parti, dont les militants ont eu droit aux effrois du despotisme, exerce de telles pratiques ? En somme, que voulons-nous ? La Tunisie ou le parti Nahdha ? 

mercredi 15 janvier 2014

Bâtiment de l’école de l’avenue d’Algérie : Une réaffectation qui fâche !


La culture n'aura donc pas droit de cité à Bizerte! Ainsi "ils" décidèrent. "Ils", ce sont ceux qui se réservent le droit de décider pour les 600 milles citoyens tunisiens habitants dans la région de Bizerte. "Ils", ce sont ceux qui ont décidé que nul bâtiment à vocation culturelle ne verra le jour à Bizerte. "Ils", ce sont ceux qui ont décidé qu'un énième équipement sécuritaire viendra s'imposer à la ville et à sa population.

Tout était pourtant bien parti. Saisissant l'opportunité de la fermeture définitive de l'école primaire sise à l'avenue d'Algérie, dont le terrain, propriété du Ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières, est un ilot desservi aussi par l'avenue Habib Bourguiba et  la rue du 1er, des associations appuyées par la Délégation Spéciale de la Mairie de Bizerte et de la Délégation Régionale à la Culture, ont plaidé à partir du mois de mai 2011 la cause de la réaffectation du bâtiment de cette école en un complexe culturel. Les arguments ne manquaient pas. Cette ville, chef-lieu du quatrième plus grand gouvernorat du pays, squatte depuis l'indépendance une église et une synagogue pour loger sa Maison de la Culture et sa Bibliothèque. Les quatre dernières salles de cinéma ont été transformées en commerces. Le prestigieux palais des congrès, quant à lui, offre le plus triste des paysages avec son état délabré.

Mais ce constat de carence manifeste d'infrastructures culturelles dans une ville qu'on se plait de taxer d'être le fief de l'extrémisme et de l'intolérance, ne semble pas convaincre nos décideurs qui depuis Tunis s'apprêtent à implanter au cœur du tissu urbain, sur son épine dorsale, l'avenue Habib Bourguiba, un cinquième édifice à vocation sécuritaire, avec tout ce qui l'accompagnera de fils barbelés, de barricades et de fusils mitrailleurs.

On est en droit ici de se poser de nombreuses questions sur la valeur des discours prônant la démocratie participative et de décentralisation de la décision, sur les raisons qui poussent certains à  tenir tant à marginaliser le rôle des municipalités, sur la réussite attendue d'un projet populairement refusé et puis sur les fondements de politique de la ville qui impose à l'axe principal d'une cité tant de bâtiments sécuritaires !

Avec ses douze casernes et ses trois prisons, l'espace communal de Bizerte avait hérité de sérieux arguments pour illustrer le caractère totalitaire du régime. On avait espéré que les trois dernières années permettraient le déclenchement de l'humanisation d'une ville devenue suffocante. Mais malheureusement, tout le monde ne semble pas être convaincu de la nécessité absolue de réviser des politiques culturelles, urbaines et sécuritaires abjectes qui ont produit la situation que nous vivons aujourd’hui.